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Marche nordique, trails et récits de courses
6 avril 2011

Trail Sainte Victoire...récit de Fred...

L’édition 2011, c’est 59 km et 3200 m de dénivelé.

Une course très technique avec montées et descentes vertigineuses sur un terrain où le calcaire est omniprésent, qu’il soit sous forme de cailloux de toutes tailles ou sous forme de lapiaz (ciselures superficielles creusées par les eaux en terrain calcaire).

parcours_TSV11

 

Cette année, les organisateurs ont vu les choses en grand : Le parcours traverse le massif de part en part, agrémenté de 3 montées et descentes. Soit l’équivalent de monter 27 fois les 119 mètres de la tour Séquoia (à pied).

C’est donc avec nettement plus d’appréhension que l’année précédente que j’aborde l’évènement. Certes, je suis nettement mieux préparé mais, en contrepartie le parcours fait 10 kilomTSV11_1ètres de plus… Rien que me remémorer l’état dans lequel j’avais terminé, je redoute la souffrance qui sera, quoiqu’il arrive, inévitable…

 Le départ est lancé aux alentours de 8h.

Plus de 400 coureurs s’élancent pour « mater » Sainte Victoire qui promet de ne pas se laisser dompter facilement. Dès le départ le soleil est présent et commence déjà à chauffer… Une dure journée s’annonce.

 

Le départ est rapide, comme tous les départs… Cette fois, je ne me laisse pas porter par l’engouement et je réduis volontairement mon allure. Des coureurs me dépassent mais je sais maintenant par expérience que je les reverrai très bientôt.

 Brice1

Les 4 premiers kilomètres sont plutôt roulants sur sentiers pas trop accidentés (chose rare ici) et permettent de chauffer les cuisses à la bonne température.

A ma grande surprise, Je rejoins Brice quelques kilomètres plus loin, persuadé d’avoir démarré devant lui. Nous en profitons pour échanger quelques mots et s’encourager mutuellement car on sait qu’il nous faudra plus que du courage pour aller au bout. TSV11_2

 

Première difficulté : La montée au refuge de Bodino, suivi de la vertigineuse montée au pas du Clapier.

 

TSV11_3

 

 

 

Le Pas du Clapier
TSV11_4

10ème Kilomètre : Tout va bien, j’arrive au sommet dans une forme rayonnante en ayant explosé mon temps de référence. En effet, c’est la partie du parcours que je connais le mieux pour l’avoir faite au moins 6 ou 7 fois en une année à l’entraînement.

On longe la crête sur près de 4 km pour rejoindre le Pic des Mouches (1011m), la pointe  sommitale du massif… Mais à quelques kilomètres du sommet, le parcours bifurque à droite et plonge dans le vide !

TSV11_5

Les crêtes

La descente, d’une centaine de mètres environ, est vertigineuse. Les organisateurs ont même équipé des mains courantes en corde d’escalade afin de sécuriser certains passages.

L’accroche est excellente et je prendrai beaucoup de plaisir dans cette descente et la remontée qui suivra juste après.

 

Arrivée au Pic des Mouches. A peine le temps d’admirer le paysage que c’est déjà reparti pour 2 km de descente jusqu’au col des portes.

Là encore, pour avoir effectué ce tronçon un grand nombre de fois, aucune difficulté me concernant.

Tout va bien : aucune douleur dans les jambes. Je pense plutôt bien gérer mon hydratation en buvant régulièrement tous les ¼ heures (l’alarme de mon GPS est là pour me le rappeler). Le vent frais qui souffle sur les crêtes fait un bien fou.

Je me force aussi à m’alimenter, même si avaler du solide commence à devenir difficile...

 Après une boucle de 4 km au pied de la face nord de Sainte Victoire, nouvelle remontée tranquille puis nouvelle redescente par le sélectif sentier GR9, direction Puyloubier. La pente est raisonnable mais elle est très longue et le chemin parsemé de lapiaz rend la progression exigeante pour les quadriceps et ne fait aucune pitié aux chevilles qui auraient le malheur de se tordre.

 TSV11_7Kilomètre 24 : Arrivé au premier ravitaillement solide de Puyloubier. Les visages commencent à être marqués, nous ne sommes pourtant qu’au premier tiers du parcours et la chaleur est maintenant prédominante.

 

 

A peine 5 minutes de pause, le temps de remplir ma poche à eau et me voilà à nouveau en course avec 2 Tucs en main… qui auront du mal à passer tellement la bouche est sèche. A croire que mes ¼ heures d’hydratation sont insuffisants…

Les vignes de Puyloubier

 Le parcours s’éloigne de la montagne pour passer le long des vignes qui feront le bonheur des amoureux du rosé de Provence.

Cette portion roulante sous le cagnard de midi est assommante...

Après 2 km de vignes, retour à la montagne ! Nouvelle montée quasimeTSV11_8nt au niveau de la Chapelle de Saint Ser.

 Le sentier part à gauche pour redescendre légèrement puis rebascule côté falaise. Nous découvrons alors un sentier hallucinant de raideur qui grimpe sur plus de 250 mètres !

Aperçus du bas, les coureurs en file indienne donnent l’impression de ne pas avancer… J’aurai très vite la preuve qu’ils n’avancent pas !

 

 

La montée au col de Vauvenargue.

Cette montée est un calvaire. C’est un des rares sentiers que je ne connaissais pas du massif. J’en garderai un souvenir éprouvant ! Je suis obligé de m’arrêter tous les 50 mètres tellement le cœur s’emballe... J’ai envie de vomir… j’ai la nausée…Je manque à plusieurs reprises de tomber dans les pommes… J’ai des pertes d’équilibre.  

Je m’assois à l’ombre d’un buis et décide de ne pas repartir tant que ça n’ira pas mieux. Je bois et mange un morceau de barre de céréales… C’est la bonne stratégie !

Sans vérifier le cardio, je sens ma fréquence cardiaque diminuer. Mon pas devient plus assuré.

Tout le long de la montée, je croiserai hommes et femmes dans le même état que moi, comme l’impression de croiser des gens accablés de désespoir après un désastre.

 TSV11_9

Agonies dans la face sud

 

 

31ème kilomètre : J’atteins enfin la délivrance : le Col de Vauvenargues. Les 7 km suivants seront en descente et sur un sentier forestier relativement plat.
De quoi se refaire une santé.

Au col, des pompiers sont affairés à porter secours aux coureurs pour qui la montée fut fatale. Après coup, j’apprendrai que la majorité des abandons a eu lieu à ce point du parcours.

Redescente face nord par le long sentier des Plaideurs. Je suis une jolie traileuse que j’avais rattrapée à la montée du col de Vauvenargues et que j’imaginais hors circuit, tellement elle en avait bavé.

Mais il en faut plus pour l’abattre ! Elle me double et descend à bonne vitesse.
Impressionné par ce charmant lièvre, je me cale « dans sa roue » et arrive à suivre le rythme.

Mais un peu plus loin, je la sens ralentir… Je la double à nouveau et ne la reverrai plus. Il est fort probable qu’elle ait abandonné elle aussi.

 

Les quelques kilomètres de faux plat descendant vers les Cabassols sont interminables. Heureusement, je croiserai d’autres compagnons d’infortune avec qui nous partagerons quelques encouragements mutuels.

 Kilomètre 36 : Enfin les Cabassols et son ravitaillement en eau…

Quelques minutes plus tard, j’attaque l’affreuse montée des Venturiers (affreuse car cimentée aux ¾ pour permettre aux secours de monter à une centaine de mètres du sommet). La pente dépasse à peine les 20 % (un dénivelé qui passe habituellement en courant à l’entrainement), mais là, dans un état de fatigue avancé, même la marche est une souffrance !

Le doute s’installe… C’est la dernière grosse difficulté, soit,  mais il y a encore plus de 20 km jusqu’à l’arrivée… Je suis cramé… Je ne vais pas terminer…TSV11_10

Je passe en mode survivor : A partir de cet instant ce n’est plus ma conscience qui dirige les opérations mais un recoin de mon subconscient. Je visualise mentalement des images positives pour me pousser à continuer. La vision de mes enfants et de ma conjointe m’encourageant à l’arrivée me fait venir les larmes. « Non, je peux pas faire ça ! Je ne veux pas qu’ils me voient arriver dans le car des abandons ! »

Je m’accroche… L’enchaînement de mes pas me fait ressembler à un grave accidenté en phase de rééducation. 
                                                                                Le sentier Imoucha, Costes Chaudes devant le lac de Bimont

Je croise un type encore plus mal en point. Je l’encourage, lui parle mais il semble ne pas m’entendre. A la vue de son regard, je constate que lui aussi a perdu les commandes.

Au bout d'une éternité, le chemin devient moins raide, enfin !
La vue toute proche du prieuré signale le sommet à portée de vue.

TSV11_11Nouvelle descente par le célèbre sentier Imoucha qui, en ce dimanche de compétition, est constellé de randonneurs (du dimanche).

Leurs nombreux encouragements me font un bien fou ! Des enfants accompagnent les coureurs sur quelques centaines de mètres, nous obligeant à avoir un semblant d’allure : Une belle leçon donnée par des gamins!

Je reprends un peu mes esprits dans la descente. Je la connais bien elle aussi et je sais qu’elle est traître et dangereuse, une cheville ayant vite fait de se tordre.

J’atteins le point le plus occidental du tracé avec une certaine émotion : De Puyloubier à l'endroit où je suis, 11 km de montagne nous séparent. C’est impressionnant !

Le parcours prend à gauche pour rejoindre le vallon de Roques Hautes où un ravitaillement en eau est positionné. Je suis au 44ème kilomètre mais au 36ème dessous…

Là encore, je suis obligé de m’asseoir pour calmer les crampes qui se déclenchent sur le moindre muscle, des cuisses aux mollets. En observant de plus près,  je les vois bouger tout seuls, comme pris de spasmes. Le moral en prend un coup : Malgré la volonté, j’ai bien peur que le corps refuse à un moment d’aller plus loin. 

 Je repars comme je peux. La pente doit à peine dépasser les 5% mais j’ai l’impression de gravir des montagnes.
Le temps me paraît interminable. J’ai l’impression que mon GPS sonne toutes les minutes alors que de simples ¼ s’écoulent. « C’est pas vrai ! Je ne vais pas passer la prochaine barrière horaire à ce rythme ! »

… Je finis toutefois pas l’atteindre. Elle est située à proximité du refuge Cézanne.
Des bénévoles me suggèrent de me mouiller la tête. Je m’exécute sans dire un mot. Le litre d’eau qui vient de m’asperger le crâne est une bénédiction !
Je retrouve un peu de lucidité et l’usage de la parole pour discuter avec les admirables bénévoles qui auront été, cette année encore, fidèles au rendez-vous de la bonne humeur.

C’est avec un sursis de quelques heures ou de quelques minutes que je reprends la route… la caillasse, je devrais dire plutôt ! Je me demande combien de tonnes de pierres sont passées sous mes semelles depuis ce matin… Des milliers ? Des millions ? En tout cas, à cet instant, je maudis le calcaire de Provence !

 Je rejoins la Maison de la Sainte Victoire, l’endroit où, 9 heures plus tôt, le départ a été donné ! C’est déjà une première victoire que de boucler la boucle ! Mais mon bonheur est de courte durée en pensant aux 9 km restants…

Certes, ce n’est que 9 km, de surcroît en descente. Mais je garde le souvenir pénible de l’année précédente ou cette dernière portion avait été un véritable enfer pour moi.

 Un coureur me rejoint accompagné d’une bonne partie de son club, La Foulée de Gréasque.
Les vannes fusent...
Je m’accroche au groupe car la bonne humeur qu’il dégage me redonne de l’énergie. Je me surprends à courir à une allure proche de 5 min/km, qui est, pour moi,  une performance au regard de l’état que j’ai traversé !

Emporté par la foule (qui nous traîne et nous entraîne), je les abandonne lâchement un peu plus loin en forçant l’allure… Après coup, j’ai eu un peu honte d’avoir profité de leur force collective sans un merci, un au-revoir ou un petit mot d’encouragement, … A croire qu’un nouveau mode vient d’être activé : celui du compétiteur sans scrupule !

 Je rattrape un jeune, accompagné par son père venu le motiver sur les derniers kilomètres. Je me cale à son allure, décidé de rien lâcher sur les 2 ou 3 km qu’il reste.

 Rousset est proche ! On traverse sous un pont de la RN7, le long d’un cours d’eau… Malgré les planches de fortune sensées nous faire traverser au sec, je finis dans l’eau jusqu’aux chevilles…

Quelques centaines de mètres dans les bois et j’arrive à l’entrée du village.

Je dépasse encore un coureur à bout de force. Le jeune devant avec son père a décidé de ne pas se laisser doubler… Tant pis, ce n’est pas important.

La délivrance est toute proche, encore 200 mètres… Même pas !

J’aperçois Laurence, mon fils et ma fille qui hurlent pour m’encourager… Que c’est bon !!!

Je prends la main de mes enfants et je passe la ligne d’arrivée avec eux. Quel bonheur !!!

C’est plus beau que dans les films américains ! Quoi de plus beau que de voir ses enfants fiers de leur père ? L’émotion me submerge.

 Il me faudra quand même une bonne demi-heure pour retrouver un peu de lucidité. Le chrono de mon GPS indique 61,21 km parcourus (l’organisation nous aurait-elle menti ?).

Mon temps est de 10 heures 23 minutes et 56 secondes.

Bonne nouvelle : Je suis proche de mon objectif qui était fixé à 10 h. Mon classement me satisfait également. Je suis dans le premier tiers du classement : Belle perf quand on voit le beau monde qui était présent aujourd’hui !

TSV11_12

 Fred, merci de m'avoir autorisé à publier ce magnifique et si sincère  récit qui sublime une formidable épreuve...

 

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Commentaires
F
Je tiens à préciser que les nombreuses photos qui illustrent le récit appartiennent à akunamatata. Je vais quand même lui demander son autorisation... Même si c'est après coup.
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