Courir sous la lune...

Samedi 24 mai.
Pélissanne. Il est 18heures30. Le Raid Au Clair de Lune sera donné dans moins de 2 heures!!!
Je suis impressionné par l'ambiance dynamique qui règne dans cette vaste salle.                                                         Nous sommes des centaines attablés devant un copieux plat de pâtes ....un groupe de percussionnistes rythme notre repas et nous engloutissons nos spaghettis sous la cadence des Djembés et des congas.

Le comité d'organisation est très efficace; en quelques minutes, nous avions  retiré nos dossards bien contents d'avoir fait enregistrer notre inscription avant la date limite.

Pourtant, ça n'est pas une sinécure que de réunir près de 500 équipes de 2 concurrents sur trois types d'épreuves: une course pour Vététistes, un Run and Bike et aussi une course à pied, de nuit.
Deux distances, au choix: 30 ou 45 km dans les collines entre Pélissanne, Aurons, Salon et Vernègues. un parcours assez sélectif avec d'emblée 8 km de montée jusqu'à l'abbaye de Saint Pierre des Canons. En réalité, au compteur, la première boucle fera 33 km, aux dires de nombreux coureurs!

20 heures. Sur le parking, nous nous préparons. Cyril et Rodolphe se sont lancés le défi de courir sur un tandem_VTT ! Ils paufinent les derniers réglages d'autant plus qu'ils n'ont jamais roulé ensemble! Essais de freinage, coordination du pédalage. Ces deux lascars vont vivre une sacrée soirée. Leur pugnacité va d'ailleurs en impressionner plus d'un!

Laurent et Jérôme, eux, sont venus depuis Paris...Ils se sont engagés, comme Loïc et moi sur l'épreuve de Run and Bike. Comme des gais lurons, nous nous affairons minutieusement: vérifier les éclairages, sur les vélos mais aussi les frontales, derniers réglages des dérailleurs...Quant à moi, je convaincs Loïc d'aller repérer les deux premiers kilomètres. Je veux m'échauffer consciencieusement...

La distance d'aujourd'hui m'inquiète vraiment. Même si nous sommes deux, en Run & Bike, je suis plus CAP et Loïc plus VTT! Nous décidons que je ferai le premier tiers du parcours, tout en côte; ensuite Loïc me relayera dans les parties plus roulantes et advienne que pourra!

21 heures 30. Les équipes de Vététistes se massent sur la ligne de départ; les motos ouvreuses rugissent; le speaker fait monter la pression! il fait encore un peu clair, mais le ciel nuageux n'est guère engageant.
Les dernières recommandations sont données....car personne ne connaît le parcours. Et les voilà partis!

700 gars excités en moins, ça se ressent et les équipes engagées sur le Run & Bike et la CAP attendent plus dans le calme.  10 minutes plus tard, les motos ouvreuses sont de retour...Ca va être notre tour!

La nuit est maintenant sur nous. Je me place non loin du groupe de tête. L'allure est soutenue en dépit de la distance qui nous attend et je comprends pourquoi.... ce sont essentiellement les équipes de R&B qui sont en tête...
Régulièrement, le coéquipier qui pédale part loin devant, puis abandonne son vélo au bord du parcours et se lance dans un relai en CAP...le second coéquipier récupère le vélo et progressivement rattrape son collègue...Efficace!

Loïc et moi, nous restons sur notre première "stratégie", je fais toute la montée en CAP. J'essaie de maintenir le lien avec trois/quatre équipes qui font impression...Je colle aux baskets des coureurs d'autant plus que leur éclairage ajouté aux miens me permet de mieux anticiper sur les racines et tous les pièges que la nuit masque...
Loïc a un peu de mal à nous suivre en VTT tant la piste est cassante et ça grimpe aussi!
Nous approchons d'Aurons...Loïc et moi, nous remarquons qu'il n'y a plus aucun coureur derrière nous. Seuls devant nous six concurrents avec lesquels nous maintenons le contact...
Traversée d'Aurons. Tout est calme...Bizarre! Au loin, dans la nuit, on entend clamer un haut parleur...Sommes-nous proches d'un ravitaillement?  A l'approche de la route de Vernègues, le doute n'est plus permis...Nous ne sommes pas sur le parcours...En criant, je fais part de mes doutes....et nous nous concertons tous....Saint Pierre des canons, ce n'est pas par là! c'est à l'opposé leur dis-je!
D'un regard, Loîc et moi nous faisons demi-tour...Retour vers Aurons...Loïc part devant pour retrouver le parcours...Tout encore à mon agacement d'avoir été piégé et pas assez lucide, je le laisse filer en regardant mon chronomètre...35 minutes de course.

Dans les ruelles d'Aurons, pas de Loïc! Où est-il? Il n'a pas pu aller si loin devant...mon allure est bonne mais une des trois équipes qui était devant nous me reprend et à la faveur d'une descente me laisse seul dans la nuit....Ne pas s'énerver...Continuer....Je ne doute pas qu'il va rapidement revenir sur moi. Au loin, perdues dans la masse sombre de la colline du Talagar, je distingue de faibles lucioles et toujours cette voix au micro...C'est par là...
Effectivement, je retrouve des coureurs à pied qui montent vers l'abbaye...Et tout excité, je me lance dans une rapide ascension, convaincu que Loïc va revenir...
Et je reprends les équipes de coureurs, les unes après les autres et ça me motive....J'ai même rattrapé quelques équipes de Runners & Bikers. Premier ravitaillement, je le néglige, tout à mon effort. 
Au sommet de la colline, je sais désormais que je suis engagé dans une course-poursuite...Aller le plus loin possible avant que Loïc ne revienne. Le profil bien plus roulant doit le favoriser.
Mais au prochain ravitaillement, il faudra que je m'arrête si je suis encore seul....Régulièrement, j'explique ma situation à des concurrents que je double en espérant qu'ils puissent renseigner mon collègue lui aussi engagé dans cette poursuite nocturne!
Patatras! Mon pied butte et je vais valdinguer dans les cailloux; aussitôt une crampe durcit la cuisse gauche. Non, c'est pas vrai! Pas déjà! En claudicant, je repars, le sentier descend fort et chaque appui me fait grimacer. J'aimerais bien que mon collègue soit là pour me relayer......
Homme d'âge mûr cherche désespérément coéquipier: profil requis: porter le dossard 197.

Enfin, j'entends crier derrière moi: j'ai l'impression que ma cavale solitaire s'achève! Loïc qui n'a pas trouvé d'emblée le bon itinéraire s'est lancé dans une poursuite effrénée....Je lorgne sur le chrono: 1h50. de course et nous avons fait au moins 4 km en trop!...

  Dans la nuit, nous nous relayons et nous reprenons plusieurs équipes. Nous passons des VTT qui ont crevé. Loïc court sur une portion assez technique, en montée et je peine à le suivre bien que le fait de pédaler soulage un peu les cuisses...
Nouveau ravitaillement.
Mon allure est moins aérienne!!!les crampes ligaturent les muscles des deux cuisses. Penser à autre chose qu'à la douleur, relâcher les foulées, profiter de l'ambiance extraordinaire, courir sous la lune, sans bruit, guetter les lucioles.

Dernière montée. Loïc est devant, sur le vélo, je dois parfois marcher tant les crampes font mal. Dans la descente qui suit, Loïc va, en CAP, faire un relai d'enfer! Il dépose les concurrents les uns après les autres. Sur le vélo, par manque de lucidité et trop de fatigue, je peine à le suivre!

Dernier ravitaillement: nous y retrouvons nos copains parisiens, Laurent et Jérôme, qui eux, ne se sont pas perdus!!! D'un regard, Loïc me fait comprendre que le final va être saignant...
Nous partons devant eux, sans rien dire et nous donnerons le meilleur de nous-même jusqu'à l'approche de Pélissanne. Loïc commence lui aussi à souffrir des genoux...De mon côté à chaque relai en CAP, c'est un concert de grimaces....Mais nous tenons et à l'arrivée, le chrono affiche 3h32.
Nous avons parcouru presque 38 km.
Cyril et Rodolphe sont déjà là, avec leur tandem; ils ont fait les 45 km. Je suis trop exténué pour bien apprécier leurs commentaires. Nos parisiens arrivent à leur tour. Dans le brouillard, je n'entends rien...trop soulagé toutefois d'avoir tenu sur une telle distance.
Tous les résultats